L'été austral

Janvier. C'est l'été du grand sud. Les Argentins en vacances ont abandonné la capitale. Buenos Aires pulse au ralenti, le souffle suspendu aux rives du Delta d'Argent.



Les avenues géantes s'aplatissent dans l'air implacable, le bitume chauffé par le caoutchouc des taxis inlassables. Le marcheur se prend les pieds dans ces distances étirées comme du réglisse fondu jusqu'au point de rupture...



Les heures s'égrènent dans les bars et les kiosques ouverts sur les rues. Le service est lent. L'air conditionné capricieux. Les chaînes de fast food insolemment paresseuses. 



La Casa Rosada, centre du pouvoir, semble une coquille superflue ouverte aux badauds indifférents. La place qui résonne depuis des décennies d'échos contestataires est couverte de banderoles muettes de rage : une fanfare absurde y exhibe une troupe de danseurs folkloriques devant un public clairsemé qui n'en est pas vraiment un, et le ciel d'un bleu dur embaume curieusement la marijuana.







Dans le Microcentro, les rues sont désertées, les rideaux de fer baissés - le quotidien retient son souffle dans le bruit assourdi des bus et des travaux. La ville semble s'absenter à elle-même...











Pourtant son âme est bien présente dans l'atmosphère indolente de ces journées trop chaudes. Elle s'aiguillonne dans l'animation soudaine d'une place surpeuplée. Elle suinte avec brio des façades aux couleurs violentes. Elle se pique de lyrisme, de colère et d'humour en laissant les mots confisquer aux murs leur neutralité silencieuse. Elle bat au rythme des foulées énergiquement insistantes des joggers, et des pas savamment entremêlés des danseurs.










Et la nuit... ah les nuits de Buenos Aires...



Commentaires