Le ciel de Patagonie

J'ai pris du retard sur mes récits de voyage... C'est qu'il me reste quelques photos d'Argentine à partager....

L'une des traces que je voudrais garder dans ma mémoire, c'est l'impression assez ineffable que j'ai ressentie en arrivant en Patagonie : les grands espaces, les étendues désertiques - et surtout, l'immensité du ciel. Un ciel dramatique, plein de relief, qui ne se cantonne pas à un rôle de toile de fond sagement photogénique, mais impose son intensité tourmentée à ceux qui le contemplent. Une sensation de vertige face à l'infini en étendue et en profondeur de ce bleu implacable. 







Ce sentiment, je l'ai éprouvé avec une force toute particulière en visitant une estancia de la région d'El Calafate. Je m'attendais plus ou moins à une ferme reconstituée pour les touristes, avec démonstration de tonte de moutons et barbecue somptueux. Il n'en fut rien.

La distance à parcourir dans le silence du minibus m'a déjà mise dans une disposition contemplative. Après deux heures de trajet, nous quittons la route asphaltée pour un chemin de terre. Je m'exclame ravie : "Nous voilà donc arrivés !" Le chauffeur me répond placidement : "Nous venons en effet de pénétrer sur les terres de l'estancia, il ne nous reste plus que 44km à parcourir..." Je comprends que dans ces immensités nues, le temps et les distances n'ont pas la même valeur... Le guide continue et nous apprend que la propriété possède 16000 moutons, quelques milliers de vaches et quelques centaines de chevaux. Les kilomètres s'effilochent ensuite dans les minutes mutiques, mais aucune trace de bétail en vue. Je suis perplexe : "Où sont les moutons ?" "Oh, ils sont bien au-delà, dans la montagne..." Aaah...

Enfin, nous arrivons à destination... un hangar, utilisé pour la tonte ; un bâtiment d'habitation pour les gauchos, ces cow boys saisonniers pour la plupart ; un enclos pour les chevaux ; et un drapeau claquant au vent. Et tout autour - le vide. Une terre aride, les montagnes au loin, et le ciel à n'en plus finir.

Les gauchos vivent à la dure, pas d'électricité ni d'eau chaude en journée, une cuisine rudimentaire avec un four au feu de bois. Je pense aux héros de mon roman western fétiche Lonesome Dove : une vie de plein air à dos de cheval, les yeux sur l'horizon, le corps endurci par des conditions climatiques rudes et une absence de confort... L'Argentine m'a jusque là donné une impression de modernité équivalente à l'Europe, mais à ce moment précis je me sens loin du XXIe siècle.

Nous voilà enfin à cheval, le regard rivé vers l'objectif de la promenade, le lac Viedma. La plaine toute plate s'étend dans l'ocre des broussailles avant de céder la place aux arêtes enneigées d'El Chalten, tout au loin ; l'eau du lac intercède sa douceur turquoise entre les deux. L'horizon se dessine dans l'axe des oreilles dressées de ma monture et le vent siffle à mes oreilles. Dans le vide de la plaine, la visibilité est excellente et les distances semblent bien moindres qu'elles ne le sont en réalité - le lac paraît s'éloigner à mesure qu'on s'en approche... Le temps s'étire comme les nuages, et je laisse mes rêveries se perdre dans tout ce bleu.



Commentaires

  1. Joli texte. J'imagine que le visiteur occasionnel peut aisément se laisser tenter de rester davantage qu'une journée ou deux dans cet endroit calme et déconnecté du reste du monde.

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