I Love John Giorno

Palais de Tokyo, toujours. Je découvre une étrange exposition, extrêmement visuelle, dédiée à un poète, John Giorno. C'est un parti pris qui en soi étonne. C'est que Giorno n'est pas un poète qui se lit sagement et dont on peut saisir les contours biographiques entre deux bâillements. C'est une voix qui s'écoute, un regard qui se pose, un univers qui s'impose.

Figure de la contre-culture américaine des années 60, dont j'ignorais absolument l'existence, Giorno a connu bien des vies. Roi des aphorismes et performer hypnotique, amant de Warhol et complice de Burroughs, idéaliste bouddhiste et militant gay, il allie l'élégance à l'ironie et veut rendre la poésie accessible à tous. Au point de fonder un service d'accès à la poésie par téléphone (Dial-a-poem).

L'exposition éclaire quelques-unes de ses facettes, en les mettant littéralement en scène plutôt qu'en les expliquant. On peut ainsi l'écouter déclamer avec une drôlerie sarcastique et émouvante le poème "Thanks for nothing", debout dans un smoking blanc et pieds nus, dupliqué jusqu'au vertige sur les pans d'une salle obscure. On peut aussi déambuler dans une salle mosaïque, somme de documents et textes lui ayant appartenu à toutes les étapes de sa vie - comme autant de pixels colorés dans le portrait de sa complexité.

Surtout, au milieu même du plaisir éprouvé face aux mots, aux sons et aux couleurs, se mêle un autre plaisir - celui de se demander en permanence où s'arrête la sincérité, où point le pied de nez. Et au-delà, de reconnaître que le plus important, c'est d'accepter de jouer avec l'esprit mutin des lieux.











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